CitationNous avons récemment révisé notre propre prévision de croissance pour la France à 0,6% en 2025 (scénario à paraître). Nous sommes donc en ligne avec la nouvelle prévision de la Banque de France, avec d'ailleurs une même hypothèse de persistance de droits de douane à 10% sur les exportations de l'Union européenne vers les États-Unis (et des mesures sectorielles avec par exemple 25% sur l'acier et l'automobile) après le 9 juillet, sans mesures de représailles majeures de la part de l'UE. Notre prévision de croissance pour 2026 est toutefois plus élevée que celle de la Banque de France, à 1,2%, mais elle intègre des effets de bord (spillovers) des mesures allemandes (grand plan d'investissement en infrastructures et réforme du frein à l'endettement), qui ne sont pas mentionnés dans la prévision de l'institution, bien que la Bundesbank ait intégré ces mesures dans ses nouvelles prévisions pour l'Allemagne.
La Banque de France a publié mercredi 11 juin ses nouvelles projections macro-économiques. Par rapport à ses projections intermédiaires de mars, elle révise à la baisse ses prévisions de croissance ainsi que d'inflation pour la France à horizon 2027. L'institution revoit également en baisse ses prévisions de taux de chômage en 2025 et 2026, ce qui peut paraître paradoxal à première vue, mais qui s'expliquerait par un moindre regain de productivité.
La Banque de France a publié mercredi 11 juin ses nouvelles projections macro-économiques. Par rapport à ses projections intermédiaires de mars, elle révise à la baisse ses prévisions de croissance ainsi que d'inflation pour la France à horizon 2027. L'institution revoit également en baisse ses prévisions de taux de chômage en 2025 et 2026, ce qui peut paraître paradoxal à première vue, mais qui s'expliquerait par un moindre regain de productivité.
Dans ses projections macro-économiques de juin, la Banque de France anticipe une croissance de 0,6% en 2025 (-0,1 point de pourcentage par rapport aux prévisions de mars), 1% en 2026 (-0,2 pp) et 1,2% en 2027 (-0,1 pp) pour l'économie française. Les révisions à la baisse par rapport à ses dernières projections intermédiaires sont liées à la politique commerciale des États-Unis, ainsi qu'à un taux de change plus élevé, dont les effets sont seulement partiellement compensés par des prix de l'énergie plus faibles. L'inflation au sens de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) est désormais attendue par l'institution à 1% en moyenne annuelle cette année (-0,3 pp), 1,4% l'année prochaine (-0,2 pp), et 1,8% l'année suivante (-0,1 pp).
Malgré les révisions à la baisse de la croissance, le taux de chômage est revu en baisse en 2025 (-0,2 pp) et 2026 (-0,1 pp), à respectivement 7,6% et 7,7% au sens du bureau international du travail (BIT) pour la France entière. Ces révisions proviennent de l'hypothèse d'un moindre regain de productivité du travail, avec des prévisions d'emploi peu révisées. La Banque de France explique en effet avoir réévalué à la hausse la contribution des facteurs durables aux pertes de productivité passées selon une méthode jugée plus robuste, laissant moins de marges de rattrapage sur les facteurs considérés comme temporaires (principalement les rétentions de main-d'œuvre). La prévision de taux de chômage pour 2027 reste en revanche inchangée, à 7,4%.
La consommation des ménages serait le principal moteur de la croissance sur l'ensemble de l'horizon de prévision, avec une croissance de 0,7% en 2025, 1% en 2026 et 1,1% en 2027. Le pouvoir d'achat des ménages a en effet fortement progressé en 2024 (+2,5%), et il continuerait de progresser sur l'horizon de prévision, quoiqu'à un rythme plus faible (+0,5% en 2025, +0,2% en 2026 et +0,5% en 2027). Des effets de composition ont pu expliquer le faible dynamisme de la consommation des ménages au regard de celui de leur pouvoir d'achat sur le passé récent, avec des revenus tirés notamment par ceux du patrimoine et les prestations sociales (indexées sur l'inflation, en particulier les pensions de retraite) dont la propension à être consommés est plus faible que les revenus du travail. Or, le pouvoir d'achat serait essentiellement tiré par la masse salariale réelle sur l'horizon de prévision (forte hausse des salaires réels en 2025, relayée ensuite par celle de l'emploi), ce qui aurait davantage tendance à soutenir la consommation.
L'investissement des ménages et celui des entreprises se stabiliseraient au cours de l'année 2025, mais diminueraient toutefois de 0,5% en moyenne sur l'année, souffrant des baisses passées et donc d'un acquis de croissance négatif à l'issue du premier trimestre. Ils repartiraient à la hausse en 2026 et 2027, conformément au délai de transmission de l'assouplissement des conditions financières (respectivement +2,1% et +2% pour l'investissement des ménages et +1,2% et +1,8% pour celui des entreprises).
Le commerce extérieur pèserait sur la croissance en 2025 à hauteur de 0,5 point, compte tenu d'un léger repli des exportations en lien avec la baisse de la demande adressée extra-zone euro (droits de douane états-uniens et appréciation du taux de change), alors que les importations progresseraient. L'effet du commerce extérieur sur la croissance serait relativement neutre les années suivantes (0 point en 2026 et +0,1 point en 2027), du fait d'une hausse des exportations similaire à celles des importations. Les variations de stocks soutiendraient en revanche la croissance en 2025 (+0,5 point), ce qui serait essentiellement lié à l'important phénomène de restockage déjà observé au premier trimestre. Elles n'auraient plus d'impact sur la croissance les années suivantes.
En termes de finances publiques, le déficit public s'établirait à 5,4% du PIB cette année, conformément aux prévisions du gouvernement dans la loi de finances initiale. En revanche, la Banque de France estime par convention que l'ajustement budgétaire serait moindre que celui prévu par le gouvernement dans le rapport annuel d'avancement les deux années suivantes, compte tenu d'économies non encore documentées : 0,6 point de PIB potentiel en 2026, et 0,4 point en 2027 (contre 0,9 point et 0,7 point dans la copie du gouvernement). Ces efforts ne suffiraient pas à stabiliser le ratio de dette publique, qui atteindrait 120% du PIB en 2027.
La Banque de France estime à 0,4 point de PIB l'effet négatif de la hausse des droits de douane états-uniens sur l'économie française en cumul d'ici 2027 (y compris l'effet de l'incertitude, qui en représente les trois quarts), sur la base d'une hausse à 10% pour les exportations de la zone euro, en sus de mesures sectorielles comme une hausse à 25% sur l'acier et l'automobile. À titre de comparaison, l'effet à l'échelle de la zone euro est estimé à 0,7 point de PIB par la Banque centrale européenne à cet horizon.
L'incertitude toujours élevée fait peser des risques conséquents sur la prévision, principalement orientés à la baisse sur le scénario d'activité en France. Au niveau international, le scénario de politique commerciale pourrait en particulier affecter la zone euro, à la fois directement en cas de droits de douane plus élevés que prévu (risque à la baisse sur l'activité), mais aussi indirectement notamment en cas de déversement des produits chinois sur le marché européen (risque à la baisse sur l'inflation). La Banque de France quantifie ainsi à -0,3 point de pourcentage l'effet additionnel sur la croissance française d'une hausse des droits de douane états-uniens à 20% sur les exportations européennes, à la fois en 2025 et en 2026 (scénario alternatif sévère). Une réponse européenne à des droits de douane états-uniens plus élevés (représailles) pourrait aussi avoir des effets sur le scénario macro-économique (risque à la hausse sur l'inflation et à la baisse sur l'activité). Un taux de change qui continuerait de s'apprécier aurait un impact à la baisse à la fois sur l'activité (renchérissement des exportations) et sur l'inflation (baisse du prix des importations) en zone euro. L'incertitude sur la politique économique française constitue par ailleurs un risque d'origine intérieure non négligeable.
Notre opinion
Nous avons récemment révisé notre propre prévision de croissance pour la France à 0,6% en 2025 (scénario à paraître). Nous sommes donc en ligne avec la nouvelle prévision de la Banque de France, avec d'ailleurs une même hypothèse de persistance de droits de douane à 10% sur les exportations de l'Union européenne vers les États-Unis (et des mesures sectorielles avec par exemple 25% sur l'acier et l'automobile) après le 9 juillet, sans mesures de représailles majeures de la part de l'UE. Notre prévision de croissance pour 2026 est toutefois plus élevée que celle de la Banque de France, à 1,2%, mais elle intègre des effets de bord (spillovers) des mesures allemandes (grand plan d'investissement en infrastructures et réforme du frein à l'endettement), qui ne sont pas mentionnés dans la prévision de l'institution, bien que la Bundesbank ait intégré ces mesures dans ses nouvelles prévisions pour l'Allemagne. Nos prévisions d'inflation sont un peu plus faibles que celles de la Banque de France (0,9% en 2025 pour l'IPCH, 1,3% en 2026), mais en restent proches. En termes de taux de chômage, nos prévisions annuelles correspondent à celles de la Banque de France en 2025 et 2026.
Dans le détail, nos prévisions diffèrent de celles de la Banque de France sur certains points même en 2025, à la fois sur les composantes de la croissance, mais aussi sur les ratios de comptes d'agents (ménages et sociétés non financières). Les prévisions de la Banque de France ayant été arrêtées le 21 mai, elles n'intègrent pas en effet les résultats détaillés des comptes trimestriels du premier trimestre. La Banque de France explique que la révision à la baisse de l'acquis de croissance pour 2025 à l'issue du premier trimestre (de 0,4% dans la première estimation à 0,3% dans les résultats détaillés) ne remet pas en cause sa prévision de croissance annuelle. Cependant, des révisions plus importantes sont intervenues sur les composantes de la demande, et les données de comptes d'agents ont été publiées à cette occasion pour le premier trimestre.
- Sur les composantes de la croissance, la différence de contribution n'est pas sensible pour la demande intérieure hors stocks entre les deux prévisions. En revanche, la contribution négative du commerce extérieur en 2025 est beaucoup plus marquée (-0,9 point contre -0,5 point) et la contribution positive des variations de stocks plus favorable (+0,8 point contre +0,5 point) dans notre prévision comparativement à celle de la Banque de France, conformément aux révisions intervenues à l'occasion de la publication des résultats détaillés du premier trimestre (intégrés dans notre prévision).
- Pour les comptes d'agents, des écarts importants existent en particulier sur la prévision de pouvoir d'achat des ménages, dont la hausse est de seulement 0,5% cette année dans les prévisions de l'institution, contre +1,3% dans nos prévisions. Or, la hausse du pouvoir d'achat du revenu disponible brut (RDB) au premier trimestre (+0,3% t/t) et les révisions à la hausse sur le passé récent réhaussent mécaniquement les perspectives annuelles. L'acquis de croissance pour le RDB réel à l'issue du premier trimestre est en effet déjà de 1,1% pour 2025. Dans la même veine, la prévision de taux d'épargne des ménages de la Banque de France (18,1% en moyenne en 2025) est plus basse que la nôtre (18,8%), ce qui peut s'expliquer au moins partiellement par la non prise en compte de la hausse à 18,8% au premier trimestre. Il faut toutefois souligner que la Banque de France table comme nous sur un taux d'épargne qui resterait durablement élevé et ne retrouverait pas ses niveaux pré-Covid à l'horizon de la prévision.
Article publié le 13 juin 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine