CitationLa prévision de croissance de l'Insee pour 2025 (+0,6%) correspond bien à notre prévision, ainsi qu'à celle de la Banque de France, déjà commentée dans un article de la semaine dernière, avec des hypothèses similaires sur les droits de douane états-uniens (maintien au niveau actuel pour l'Union européenne). L'Insee anticipe toutefois une croissance constante de 0,2% par trimestre à partir du deuxième trimestre, quand nous envisageons une accélération progressive de l'activité (+0,1% au deuxième trimestre conformément aux conclusions de l'enquête mensuelle de conjoncture de début juin de la Banque de France, puis +0,2% au troisième trimestre et +0,3% au quatrième trimestre).
L'Insee a publié mercredi 18 juin sa note de conjoncture, avec ses prévisions d'ici la fin de l'année. L'institut rappelle qu'au premier trimestre, l'activité économique s'est enlisée à +0,1% en France, en deçà du niveau de croissance de ses grands voisins européens.
L'Insee a publié mercredi 18 juin sa note de conjoncture, avec ses prévisions d'ici la fin de l'année. L'institut rappelle qu'au premier trimestre, l'activité économique s'est enlisée à +0,1% en France, en deçà du niveau de croissance de ses grands voisins européens. Cette faiblesse s'explique à la fois par la contribution négative du commerce extérieur, du fait de la forte baisse des exportations, et par le recul de la consommation privée. L'Insee prévoit une croissance annuelle de 0,6% en 2025 (contre 1,3% pour l'ensemble de la zone euro), avec une activité qui croîtrait modérément sur le reste de l'année. L'inflation au sens de l'indice des prix à la consommation (IPC) a pourtant diminué à 0,7% en glissement annuel en mai, sans pour autant dynamiser la consommation des ménages compte tenu du climat d'incertitude. En moyenne annuelle, l'inflation devrait atteindre 1%. Les destructions d'emplois déjà observées depuis deux trimestres se poursuivraient (à un rythme toutefois moindre), ce qui, compte tenu de la hausse de la population active, devrait élever le taux de chômage à 7,7% fin 2025. Enfin, l'Insee estime que les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France devraient diminuer de nouveau d'environ 1% en 2025, en cohérence avec sa prévision macroéconomique, principalement en raison d'une baisse de l'activité dans les industries énergo-intensives.
Le PIB français a crû de 0,1% au cours du premier trimestre 2025, après avoir chuté de 0,1% le trimestre précédent1. La demande intérieure a participé à cette atonie en contribuant négativement à la croissance. La consommation des ménages a en effet diminué (-0,2%), minée par un taux d'épargne record depuis 45 ans (hors période Covid) – d'où le titre de la note « L'épargne des ménages au sommet » –, tandis que la consommation publique a ralenti (+0,2% après +0,4%). L'investissement (au sens de la FBCF2) a poursuivi sa stagnation (0,0%), ce qui s'inscrit dans le cadre d'entreprises plus endettées en France que dans le reste de la zone euro (les rendant plus vulnérables à la hausse passée des taux d'intérêt), et de l'effort budgétaire des administrations publiques (APU) pour réduire le déficit public. Ainsi, au premier trimestre, la demande intérieure a pesé sur la croissance (-0,1 point), même si c'est surtout le commerce extérieur qui l'a sapée (-0,8 point) du fait de l'effondrement des exportations, notamment aéronautiques. Contrairement à ses pairs européens, la France n'a donc pas bénéficié de la nette hausse du commerce mondial au premier trimestre (+1,7%), en anticipation de la hausse des droits de douane états-uniens. Les entreprises tricolores ont toutefois reconstitué leurs stocks, ce qui a, à l'inverse, contribué positivement à la croissance (+1,0 point).
D'après les prévisions de l'Insee, l'activité économique française croîtrait très modestement au cours des trimestres suivants de l'année (+0,2% chaque trimestre). Côté demande, la consommation des ménages repartirait à la hausse (en particulier les achats alimentaires et d'« autres biens manufacturés », ainsi que de services) après la baisse enregistrée au premier trimestre, pour s'établir à +0,7% sur l'année après +1% en 2024. Ainsi, la consommation des ménages ne progresserait pas plus que le pouvoir d'achat en 2025, stabilisant le taux d'épargne à un niveau élevé (18,2% en moyenne sur l'année). La consommation des APU accélèrerait un peu à partir du deuxième trimestre, mais décélèrerait quelque peu sur l'année (+1,2% après +1,4%).
L'investissement poursuivrait sa stagnation au deuxième trimestre avant de repartir à la baisse au second semestre. L'investissement des ménages serait en effet plombé à partir de l'été par la hausse de la fiscalité sur les transactions immobilières (droits de mutations à titre onéreux), alors que des ventes auraient eu lieu par anticipation au premier trimestre selon l'Insee. Les enquêtes montrent que les intentions d'achats de logement sont effectivement en recul depuis le début de l'année. L'investissement des entreprises repartirait en outre à la baisse dès le deuxième trimestre, dans un contexte d'incertitude élevée, et compte tenu de la baisse de leur capacité d'autofinancement (effet de la hausse de la charge d'intérêt qui sera renforcé fin 2025 par la surcote d'impôt sur les sociétés pour les plus grandes). L'investissement total serait ainsi en baisse en 2025, à 0,5%, même si celle-ci serait moins prononcée que l'année passée (-1,3%).
En somme, sur l'année 2025, la croissance serait de 0,6%, marquant le pas par rapport à 2024 et ses 1,1%. La contribution de la demande intérieure (hors stocks) baisserait légèrement, passant de 0,6 à 0,5 point en 2025, tandis que celle des variations de stocks serait positive (0,8 point après -0,8 point en 2024) en lien avec le phénomène de reconstitution des stocks observé au premier trimestre. Enfin, c'est le commerce extérieur qui décevrait le plus, pesant sur la croissance française à hauteur de 0,7 point (après +1,3 point l'année passée), même s'il se redresserait à partir du deuxième trimestre dans le sillage de la hausse des exportations, avec en particulier des livraisons prévues d'avions et de bateaux très concentrées sur les trois derniers trimestres de l'année.
Notre opinion
La prévision de croissance de l'Insee pour 2025 (+0,6%) correspond bien à notre prévision, ainsi qu'à celle de la Banque de France, déjà commentée dans un article de la semaine dernière, avec des hypothèses similaires sur les droits de douane états-uniens (maintien au niveau actuel pour l'Union européenne). L'Insee anticipe toutefois une croissance constante de 0,2% par trimestre à partir du deuxième trimestre, quand nous envisageons une accélération progressive de l'activité (+0,1% au deuxième trimestre conformément aux conclusions de l'enquête mensuelle de conjoncture de début juin de la Banque de France, puis +0,2% au troisième trimestre et +0,3% au quatrième trimestre). Les prévisions d'inflation au sens de l'IPC sont proches (+1% d'après l'Insee au sens de l'IPC contre +0,9% dans nos prévisions ; +0,8% pour l'indice de prix à la consommation harmonisé – IPCH – selon l'Insee contre +0,9% dans nos prévisions et +1% dans celles de la Banque de France). En termes de taux de chômage, nous envisageons une remontée plus rapide au cours de l'année, mais le point d'arrivée est le même que l'Insee en fin d'année, à 7,7% pour la France hors Mayotte, la Banque de France envisageant pour sa part une hausse à 7,8% au quatrième trimestre.
L'Insee fait en tout cas le diagnostic d'une croissance qui devrait s'inscrire en France très en-deçà du reste de la zone euro en 2025, puisque la croissance prévue pour l'ensemble de la zone euro par l'Insee est de 1,3%.
L'exercice réalisé par l'institut pour quantifier l'évolution des GES induite par son scénario macroéconomique est par ailleurs intéressant : la France ne serait ainsi pas à un rythme de réduction des émissions compatible avec ses engagements climatiques et le budget carbone de la nouvelle stratégie nationale bas carbone (SNBC-3). L'Insee souligne évidemment que sa prévision est entourée de risques importants, à la fois compte tenu des hypothèses retenues pour le scénario macroéconomique en lui-même (en particulier sur les droits de douane, le gel du prix du pétrole réalisé avant la hausse liée aux tensions au Proche-Orient, mais aussi la politique économique intérieure), mais aussi les hypothèses propres à la modélisation des GES, et sur les conditions météorologiques.
1 Par contrecoup de l'effet des Jeux olympiques et paralympiques de Paris qui avaient dopé l'activité au troisième trimestre 2024.
2 Formation brute de capital fixe.
Article publié le 20 juin 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine