CitationAvant même de présenter la réforme du MES devant le Parlement, la tâche s'annonçait déjà compliquée pour le gouvernement Meloni, au regard des oppositions de principe d'une partie de sa majorité. Si les raisons des inquiétudes avancées par les opposants en Italie peuvent être réfutées, il est difficile de transformer une identité politique, surtout à l’approche d’une échéance électorale.
Le Parlement italien a rejeté en décembre la ratification de la réforme du Mécanisme européen de stabilité, devenant ainsi le seul pays à ne pas avoir donné son aval. Alors qu'il devait entrer en vigueur en janvier 2024, le rejet par le Parlement italien de la ratification de la réforme du MES constitue un coup d'arrêt à l’ensemble du processus européen.
Mis en place en 2012 par un traité inter-gouvernemental, le MES est un outil de gestion de crise visant à assurer la stabilité financière de la zone euro. La réforme, sur laquelle le Parlement italien devait donner son accord, comprenait certains amendements permettant d'étendre les tâches assignées au mécanisme. Outre le rôle de prêteur en dernier ressort en cas de difficulté de financement d'un État (prêts de précaution et lignes de crédit), elle autorise le MES à fournir un filet de sécurité de 69 milliards d'euros au Fonds de résolution unique, dans le cadre de la gestion d'une crise bancaire.
L'opposition de l'Italie au Mécanisme européen de stabilité ne date pas d'hier. Le sujet continue de cristalliser les tensions au sein de la classe politique, aussi bien à droite qu’à gauche de l'échiquier. Le vote du Parlement souligne les lignes de fracture autour de la question. Parmi les 184 votes contre, les députés de la Ligue, une partie de Fratelli d’Italia, mais également le Mouvement 5 étoiles constituent le gros du contingent. Cette décision du Parlement fait suite à un avis émis par la commission du budget de la Chambre des députés, dans lequel le rejet du dispositif est motivé par le manque de transparence concernant le contrôle du Parlement. En ce sens, le projet de loi pâtit du manque de mécanismes adéquats pour assurer l'implication du Parlement dans la procédure de demande d'activation du mécanisme. L'opposition craint qu'en cas d'activation du MES, dont l'Italie est le troisième plus gros contributeur, le pays devra avancer 111 milliards d'euros, somme sur lequel il est engagé par le traité, sans l’aval des chambres. Cette disposition existait déjà avant la réforme et semble mise en avant pour contrer le texte actuel. Le deuxième argument souvent cité par les opposants au texte concerne le financement du Fonds de résolution unique. Ces derniers estiment que le système bancaire est maintenant solide et que les pays européens devraient se concentrer davantage sur le renforcement de l’union bancaire en allant plus loin dans l'unification de la garantie des dépôts. D’autant que dans le contexte actuel de négociation européenne, le MES n'est pas le seul dossier sur la table, puisque ce vote intervenait de manière concomitante avec les négociations concernant la réforme du Pacte de stabilité et croissance. Le fait est qu’actuellement, ce sont davantage les banques allemandes qui sont scrutées pour leur faiblesse, poussant une partie de la Ligue à avancer le fait que les Italiens, ayant déjà effectué leur travail d'assainissement bancaire, n'ont pas à payer en cas de crise en Allemagne.
Enfin, le dernier point, bien que peu présent dans les débats actuels, concerne la perte de souveraineté. En effet, pour les opposants au MES, étant donné la nature du Mécanisme européen de stabilité basé sur une organisation intergouvernementale et au regard des règles et des conditions d'accès au financement, l'une des craintes les plus importantes est une ingérence des créanciers concessionnels.
Notre opinion – Avant même de présenter la réforme du MES devant le Parlement, la tâche s'annonçait déjà compliquée pour le gouvernement Meloni, au regard des oppositions de principe d'une partie de sa majorité. Si les raisons des inquiétudes avancées par les opposants en Italie peuvent être réfutées, il est difficile de transformer une identité politique, surtout à l’approche d’une échéance électorale. Or, c'est bien le cas de la Ligue qui se définit en opposition au MES. La stratégie du gouvernement était donc de remettre les clés de la ratification aux mains du Parlement et d'en faire un problème législatif, plutôt que lié à l'exécutif. Cette solution politique laisse néanmoins l'avenir du dispositif en suspens et fragilise la position de l'Italie par rapport à ses partenaires européens.
Article publié le 12 janvier 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine