CitationÀ la différence de la Fed, qui a donné un signal clair que des baisses de taux, de 75 pdb au total, sont probables en 2024, la BoE a surpris par une tonalité plus hawkish que prévu. L'institution britannique reste hantée par les risques haussiers sur l'inflation, notamment en lien avec un marché du travail toujours tendu, bien qu'en voie d'assouplissement, et souhaite voir une tendance baissière plus prononcée dans la croissance des salaires et l'inflation dans les services. Elle ne baisse pas la garde, de peur d'encourager les effets de second tour qui ne se dissipent que lentement. De plus, l'assouplissement budgétaire annoncé par le gouvernement en novembre, contenant des baisses de taxes et une hausse du salaire minimum, a davantage fait pencher la balance en faveur du maintien de taux élevés pour plus longtemps. Ainsi, la probabilité d'une baisse de taux au premier semestre 2024 semble avoir diminué, d'autant plus que le gouvernement va sans doute annoncer un assouplissement budgétaire supplémentaire dans le cadre du budget 2024 au printemps prochain, dans l'optique de sa campagne électorale pour des élections législatives probables au second semestre 2024.
La banque centrale d'Angleterre (BoE) a laissé son taux directeur inchangé à l'issue de sa réunion de politique monétaire de décembre. Le Bank rate a été maintenu à 5,25% pour la troisième fois consécutive, un plus haut depuis 15 ans. Le résultat des votes au sein du comité de politique monétaire (MPC) a été inchangé par rapport à novembre : six membres ont voté en faveur du statu quo, tandis que les trois « faucons » (Catherine Mann, Megan Greene et Jonathan Haskel) auraient préféré une hausse de taux supplémentaire de 25 points de base à 5,5%.
Le comité de politique monétaire (MPC) a gardé inchangé son guidage des anticipations selon lequel « la politique monétaire devrait rester restrictive pour une période prolongée » afin de ramener l'inflation à la cible de 2% de manière soutenable à moyen terme. Il considère que « les indicateurs clés de persistance de l'inflation restent élevés » et n'exclut toujours pas la possibilité d'un resserrement supplémentaire des taux si les pressions inflationnistes venaient à persister. À cet égard, « le MPC continuera de surveiller de près les indicateurs de persistance de l'inflation et de résilience de l'économie dans son ensemble, notamment un ensemble de mesures des tensions des conditions sur le marché du travail, la croissance des salaires et le taux d'inflation des prix dans les services ».
Pourtant, les récentes données côté prix, salaires et activité ont été plus faibles que prévu, ce qui a poussé les marchés à anticiper davantage de baisses de taux. Avant la réunion du MPC de ce jeudi 14 décembre, les investisseurs tablaient sur un total de 125 points de base de baisses de taux en 2024, avec une première baisse attendue le mois de mai prochain. Un excès d'optimisme auquel la BoE ne semble pas adhérer. Pour la majorité du MPC, « il est encore trop tôt pour conclure que l'inflation dans les services et la croissance des salaires sont sur une tendance baissière ferme ». Une prudence qui s'explique par le fait que ces deux mesures clés de persistance de l'inflation restent à des niveaux plus élevés que dans la plupart des autres pays avancés, probablement en raison d'effets de second tour plus lents à se dissiper et des conditions d'offre plus détériorées. « Il y a encore du chemin à parcourir », a déclaré le gouverneur Andrew Bailey, trouvant que la baisse de l'inflation CPI à 4,6% en octobre (0,2% en-dessous des anticipations de novembre) depuis plus de 10% en début d'année n'est pas satisfaisante. Il souhaite notamment voir une tendance baissière plus claire de l'inflation dans les services (6,6% en octobre).
La majorité du MPC continue de juger que les risques autour de l'inflation CPI à moyen terme sont orientés à la hausse, en partie en raison de la guerre au Proche-Orient. La BoE anticipe que l'inflation CPI resterait proche des rythmes actuels au tournant de l'année. L'inflation des prix dans les services est attendue en hausse en janvier en raison d'effets de base défavorables, avant une modération progressive ensuite. Sur une note plus encourageante, les minutes de la réunion de politique monétaire indiquent que les prévisions d'inflation à court terme ont été révisées à la baisse en raison des prix de l'énergie plus bas.
Les conditions sur le marché du travail restent le principal déterminant des pressions domestiques sur l'inflation et du sentiment hawkish au sein du MPC. Les dernières données pour la période à fin octobre montrent une stabilisation du taux de chômage à 4,2% (soit en-dessous du taux de chômage d'équilibre de moyen terme, révisé récemment par la BoE à 4,5%), du taux de participation (à 63,6%) et du taux d'emploi (à 75,7%). Mais les postes vacants ont continué de reculer (-45 000 sur trois mois à fin novembre pour s'établir à 949 000, soit près de 150 000 au-dessus de leur niveau de pré-Covid). La croissance des salaires se replie plus fortement que prévu, à 7,3% contre 7,9% en août. Pour la BoE, la croissance des salaires reste encore trop élevée et il y a un risque que les tensions sur le marché du travail continuent de générer des pressions à la hausse sur les salaires. De plus, le MPC voit des risques haussiers sur l'inflation des salaires en lien avec la hausse de 9,8% du salaire minimum (National Living Wage) prévue pour avril prochain.
En ce qui concerne l'économie réelle, le PIB a été stable au troisième trimestre et les perspectives sont celles d'une stagnation prolongée. La BoE anticipe une croissance nulle au quatrième trimestre ainsi qu'au cours des prochains trimestres. Sa prévision du quatrième trimestre (0,1% prévu en novembre) a été révisée à la baisse après la publication des données du PIB pour le mois d'octobre (-0,3% sur le mois).
L'assouplissement budgétaire annoncé par le Chancelier dans son Autumn statement du 22 novembre, qui inclut notamment une baisse des cotisations sociales et une pérennisation de l'abattement fiscal sur les dépenses d'investissement, ferait augmenter le niveau du PIB d'environ 0,25% au cours des prochaines années. Les principales mesures gouvernementales ont surtout pour effet d'améliorer le potentiel d'offre de l'économie. Les implications en termes d'output gap et d'inflation sont de moindre ampleur. Néanmoins, bien qu'à la marge, l'assouplissement budgétaire récemment annoncé constitue pour la BoE un développement inflationniste.
Article publié le 15 décembre 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine