Zone euro – Conjoncture – Une croissance ralentie au T2 2025, mais meilleure qu’attendu
CitationLe contre-coup de la hausse des droits de douane s’annonce moins violent qu’initialement prévu, même si une partie doit probablement encore se déployer au cours du troisième trimestre. En effet, après l’anticipation des ventes irlandaises de produits pharmaceutiques aux États-Unis au cours du premier trimestre, la correction au T2 a bien eu lieu et réduit le risque d’un ajustement violent au troisième trimestre.
Après une croissance soutenue du PIB au premier trimestre (+0,6% sur le trimestre), alimentée par une remontée des exportations en anticipation des hausses de droits de douane, un contre-coup était attendu au deuxième trimestre. Avec sa deuxième estimation, Eurostat confirme ce contre-coup, mais la croissance est restée légèrement positive (+0,1%).
Après une croissance soutenue du PIB au premier trimestre (+0,6% sur le trimestre), alimentée par une remontée des exportations en anticipation des hausses de droits de douane, un contre-coup était attendu au deuxième trimestre. Avec sa deuxième estimation, Eurostat confirme ce contre-coup, mais la croissance est restée légèrement positive (+0,1%). Elle est supérieure à nos prévisions de juin, qui projetaient un repli du PIB (-0,3%), en raison du repli attendu des exportations en écho à leur forte hausse vers les États-Unis au T1 (notamment sur les produits pharmaceutiques de l’Irlande).
Malgré cette relative résilience, la dynamique de la demande intérieure s’est affaiblie et s’affiche en repli. La consommation des ménages a continué de croître à un rythme modeste (+0,1%, au même rythme qu’au T1), tandis que la consommation publique est en accélération (+0,5% après +0,1%). La zone euro a connu une baisse significative de l'investissement (-1,8%). Cette diminution s'explique principalement par la chute importante des investissements en Irlande (-37%), qui a amputé la croissance de l'investissement dans la zone euro de 2,1 points de pourcentage. Ce repli est lié à l’ajustement à la baisse (-55,6%) de l’investissement en droits de la propriété intellectuelle après sa forte remontée au T1 (+128,7%). En éliminant cet effet, la formation brute de capital fixe a augmenté de 0,3% dans la zone euro et la demande intérieure de 0,2%.
Si l’investissement en logement a reculé au T2 (-0,1%), sa baisse s’inscrit néanmoins en ralentissement depuis un an, tandis que le repli de l’accumulation de capital dans le bâtiment résulte d’une croissance toujours positive sur un an mais en voie d’affaiblissement.
La formation brute de capital fixe (FBCF) en machines et équipements s’est en revanche vigoureusement redressée (+1,5% sur le trimestre) sous l’effet d’une croissance rapide en Italie (2%) et en Espagne (2,8%), tandis qu’elle a baissé en France (-0,2%) et augmenté plus faiblement en Allemagne (+0,2%). Quant à l’investissement en biens de transport, après la forte remontée du premier trimestre, il a reculé dans la zone euro (-1,4%) porté par un repli puissant en Allemagne (-7,2%), et dans une moindre mesure en France (-1,8%), et partiellement compensé par une hausse en Italie (+2,5%).
Finalement, en excluant le bruit apporté par les données irlandaises, la croissance de la demande intérieure se situe sur un rythme un peu supérieur à sa tendance longue.
La contribution de la demande étrangère a été légèrement négative (-0,2 pp), résultat d’une baisse des exportations (-0,5%) et d’une stabilité des importations. Ces évolutions ne corrigent qu’en partie la forte remontée à la fois des exportations et des importations (+2,2%) enregistrée au premier trimestre. La baisse des exportations a été assez vigoureuse en Italie où les ventes à l’étranger avaient nettement rebondi au T1 2025. Cela fut le cas aussi en Allemagne, mais au T2 les exportations y ont à peine fléchi. En France, les exportations se sont redressées après la chute de début d’année. En revanche, l’ajustement a été plus marqué en Irlande après la hausse très forte du premier trimestre. Le même ajustement a également eu lieu sur les importations irlandaises. Ainsi, en dehors de l’effet irlandais, le contre-coup sur les exportations est plus limité, avec une stabilité des flux, tandis que la remontée des importations a été plus marquée (1%), entraînant une contribution de la demande étrangère à la croissance du PIB de la zone plus négative.
Ces mouvements sur les importations se reflètent aussi dans une forte contribution positive des variations de stocks (0,5%), après deux trimestres consécutifs de contribution négative, sans laquelle la croissance du trimestre aurait été négative, en ligne ainsi avec notre prévision de juin (-0,3%)
Avec la révision à la hausse de la croissance au quatrième trimestre 2024 et un premier trimestre 2025 dynamique, la modeste, mais positive, croissance du PIB au T2 permet d’engranger un acquis de 1,2% pour la croissance moyenne de l’année 2025. Cet acquis est plus élevé que celui de notre dernière prévision de juin (0,8%) et introduit une forte probabilité de révision à la hausse de la croissance de la zone euro pour 2025 lors de notre prochain exercice d’octobre.
Le contre-coup de la hausse des droits de douane s’annonce moins violent qu’initialement prévu, même si une partie doit probablement encore se déployer au cours du troisième trimestre. En effet, après l’anticipation des ventes irlandaises de produits pharmaceutiques aux États-Unis au cours du premier trimestre, la correction au T2 a bien eu lieu et réduit le risque d’un ajustement violent au troisième trimestre. Cette dynamique a été commune aux grandes économies de la zone euro où de fortes hausses des volumes d’exportations vers l’extérieur de l’Union européenne ont été enregistrées, surtout en mars avec des ajustements abrupts dès les mois d’avril et mai, plus marqués pour les biens intermédiaires et de consommation en Allemagne, davantage pour les biens d’équipement en France et en Italie.
De plus, des signaux positifs nous sont relayés par les indicateurs publiés au cours de l’été avec un taux de croissance de l’activité qui s’est redressé à son plus haut niveau depuis douze mois, selon l’indice PMI des directeurs d’achats S&P Global d’août. L’indice dans les services n’a enregistré en août qu’une expansion marginale, mais, dans le secteur manufacturier, la production a enregistré sa plus forte expansion depuis près de trois ans et demi.
Si l’on peut supposer que le contre-coup des ventes anticipées à l’étranger a en grande partie déjà eu lieu et n’affecte que plus marginalement notre prévision de court terme, dans le moyen terme, c’est l’impact de l’accord commercial de Turnberry, conclu cet été entre l’UE et les États-Unis, qui va se déployer.
L’impact serait négatif et abaisserait notre prévision de juin de 0,1 pp en 2026. Le nouveau taux unique de 15% s’applique à la grande majorité des produits d’exportation de l’UE vers les États-Unis (y compris les voitures, les produits pharmaceutiques et les semi-conducteurs). À noter cependant que le taux de 15% sur les véhicules s’appliquera en parallèle à la réduction des droits de douane sur les produits américains et que c’est donc le taux de 25% qui reste en vigueur. Les droits de 50% s’appliquent sur l'acier, l'aluminium et le cuivre. Ces nouveaux droits font passer le taux effectif moyen pondéré de la valeur des échanges de 1,7% en 2024 à 18,8%, soit une hausse de 17,1 pp depuis le début du deuxième mandat de Trump.
Selon notre estimation produite avec le modèle Oxford Economics, une telle hausse du droit de douane conduit à un impact à la baisse de la croissance de la zone euro de 0,4 pp en 2026 et de 0,3 pp en 2027, donc un impact cumulé négatif de 0,7 point à l’horizon 2027 par rapport à un scénario pré-Trump. Par rapport à notre prévision de juin, qui faisait l’hypothèse d’un taux moyen pondéré effectif de 11,1%, la croissance du PIB serait amputée de 0,1 pp en 2026 et en 2027.
Quant aux droits « zéro pour zéro » sur un certain nombre de produits stratégiques, notamment les avions et leurs composants, certains produits chimiques, certains médicaments génériques, les équipements semi-conducteurs, certains produits agricoles, les ressources naturelles et les matières premières essentielles, dans les notes de briefing parues après le document de l’accord, la référence à « zéro pour zéro » a été supprimée et les États-Unis ont affirmé qu’ils ne rétabliront désormais les tarifs que pour certains de ces biens aux niveaux de la NPF (clause de la nation la plus favorisée). Ces tarifs NPF sont bas mais généralement pas à zéro. Le taux officiel à partir duquel nos simulations ont été effectuées risque donc d’augmenter.