CitationDans ce contexte de croissance modérée et d’inflation sous-jacente stagnante qui caractérise les économies avancées, la BCE rejoint le peloton de tête des banques centrales qui entament un cycle de baisse des taux, suivant les banques centrales suisse, suédoise et canadienne. Elle a délivré une première baisse de 25 points de base. Cette baisse est ʺtournée vers l’avenirʺ, c’est-à-dire, confiante dans la trajectoire d’inflation que la BCE projette, soit un retour à une inflation de 2,2% en 2025 après 2,5% en 2024.
La première estimation du détail des composantes du PIB pour le premier trimestre 2024 par Eurostat confirme une croissance du PIB de 0,3% sur le trimestre, en accélération après un recul au T4 2023 (-0,1%) et une quasi-stagnation sur les trimestres précédents de 2023.
Ce renforcement de la croissance est dû principalement à l’accélération des exportations nettes, tandis que la demande intérieure se replie et que le processus de déstockage s’accentue. Ainsi, la croissance du PIB résulte d’une contribution positive des exportations nettes (+0,9 point de pourcentage – pp) qui compense celle négative de la demande intérieure (-0,2 pp) et des variations de stocks (-0,3 pp).
L’accélération des exportations (+1,4%, après +0,2% au T4 2023) a été tirée par la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, ces deux derniers pays ayant néanmoins connu un fort ajustement qui ne fait que compenser la baisse intervenue fin 2023. Les importations, en revanche, se sont repliées (-0,3%), surtout sous l’effet de la baisse des importations italiennes.
La faiblesse de la demande domestique est due à la modeste croissance de la consommation privée, à la stagnation de la consommation publique et au repli marqué de l’investissement.
La consommation des ménages a déçu par son manque d’accélération (+0,2% sur le trimestre). Sa progression a été très modeste en France (+0,1%) et à peine plus rapide en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas (+0,3%), tandis qu’elle a été négative en Allemagne (-0,4%). En dépit de la progression positive du pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages, l’arbitrage semble s’être encore fait en faveur de l’épargne. Nous continuons cependant de faire de la consommation privée le premier moteur de la reprise inscrite dans notre scénario pour l’année 2024. Si cette dynamique n’a pas encore été pleinement confirmée, aucun autre facteur n’est venu infirmer cette hypothèse qui se fonde sur une moindre hausse à venir du taux d’épargne favorisée par une amélioration de la confiance des ménages.
Le recul de l’investissement (-1,5% sur le trimestre) est à relativiser, il est en effet principalement dû au repli de 41% de l’investissement en Irlande, notamment de la composante investissement en propriété intellectuelle. Sans cet effet, l’investissement dans la zone euro aurait progressé de +0,4%, avec un redressement de toutes les autres composantes à l’exception des biens de transport.
Malgré la mauvaise performance en fin d’année 2023, l’acquis de croissance laissé par le premier trimestre 2024 à la moyenne de l’année est positif et égal à 0,3%. Cela renforce la confiance que nous portons à notre scénario de reprise modérée en 2024 et rehausse automatiquement notre prévision de croissance de +0,7% à +0,8% en moyenne annuelle. Cette prévision est désormais assortie d’un biais baissier, comme souligné aussi par la récente révision à la hausse des prévisions de la BCE (à +0,9% en 2024).
Notre opinion – Dans ce contexte de croissance modérée et d’inflation sous-jacente stagnante qui caractérise les économies avancées, la BCE rejoint le peloton de tête des banques centrales qui entament un cycle de baisse des taux, suivant les banques centrales suisse, suédoise et canadienne. Elle a délivré une première baisse de 25 points de base. Cette baisse est ʺtournée vers l’avenirʺ, c’est-à-dire, confiante dans la trajectoire d’inflation que la BCE projette, soit un retour à une inflation de 2,2% en 2025 après 2,5% en 2024.
Pourtant la remontée de l’inflation en mai et surtout la surprise à la hausse des coûts salariaux au T1 2024 ont conduit la BCE à réviser à la hausse ses prévisions d’inflation en 2024 et 2025. Cependant, la BCE regarde le chemin déjà accompli dans le processus désinflationniste et la baisse des anticipations d’inflation. Elle sait aussi que malgré la baisse des taux, l’orientation de politique monétaire demeure restrictive et les taux sur les nouveaux prêts restent inchangé ainsi que les standards de crédit.
Malgré une enquête BLS signalant une demande de prêts moins négative, l’expansion du crédit au secteur privé est encore très modeste. Si, d’un côté, l’amélioration des enquêtes sur l’activité et la confiance des ménages renforcent les perspectives de demande et peuvent constituer un risque haussier pour l’inflation, des facteurs d’offre tels que la croissance de la population active et la reprise anticipée du cycle de productivité pourront, selon la BCE, modérer la hausse des coûts salariaux unitaires et la dynamique des prix.
Article publié le 7 juin 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine