CitationCette accélération de la croissance, bien qu'elle soit à confirmer, constitue une bonne surprise après que la succession du choc inflationniste lié à la guerre en Ukraine et de celui lié du resserrement monétaire ont infléchi, au-delà de sa simple normalisation, la trajectoire du PIB qui a suivi le rebond post-pandémie. Au premier trimestre 2024, le PIB de la zone euro est un peu inférieur au niveau où il aurait été s'il avait crû au rythme enregistré en moyenne entre la crise souveraine et juste avant le Covid (de 2013 à 2019) : un rythme qui était déjà trop faible et qui a autorisé à qualifier la décennie passée de ʺdécennie perdueʺ. L'enjeu de la redynamisation de la croissance est donc un enjeu majeur si l'on veut éviter une deuxième décennie perdue.
La première estimation du PIB de la zone euro fournie par Eurostat pour le premier trimestre 2024 ressort à +0,3% sur le trimestre et signale une accélération de l'activité, alors que celle-ci avait stagné tout au long de l'année 2023, le PIB s'étant même légèrement replié aux troisième et quatrième trimestres 2023 (-0,1%).
Cette estimation est supérieure aux prévisions du consensus et aux projections de la BCE de mars (+0,1%) et à nos propres prévisions (+0,2%). L'acquis de croissance à la fin du premier trimestre pour la moyenne de l'année 2024 est de +0,3%. Cette estimation réhausse mécaniquement notre prévision de croissance en 2024 de +0,7% à +0,8%. Nous ne modifions pas notre prévision à ce stade, puisque l'estimation rapide préliminaire est basée sur des données incomplètes qui feront encore l'objet de révisions, y compris sur le passé. Les chiffres sont susceptibles d'être révisés le 15 mai, puis lorsque les agrégats principaux seront publiés le 7 juin et le 19 juillet.
La croissance sur le T1 a surpris à la hausse dans la plupart des pays pour lesquels on dispose de cette première estimation : en Allemagne (+0,2%, contre 0% prévu), en Italie (+0,3%, vs +0,2%), en Espagne (+0,7%, vs +0,4% prévu) et au Portugal. En France et en Belgique, le chiffre correspond à nos prévisions (+0,2% et +0,3% respectivement), tandis qu'en Autriche et en Irlande il est un peu plus faible (à +0,2% et +1,1% respectivement).
Nous ne disposons pas encore des estimations sur les principales composantes du PIB. Dans les rares pays où elles sont publiées, en France et en Espagne, la contribution de la demande intérieure a été positive, grâce à l'accélération de la consommation des ménages et à la reprise de l'investissement, après son repli fin 2023. La contribution de la demande extérieure nette a aussi été positive grâce à une dynamique plus soutenue des exportations que des importations. La progression des ventes de biens et services à l'étranger est encore modeste, bien qu'en accélération en France, tandis qu'elle demeure soutenue mais en ralentissement en Espagne. En Allemagne, la croissance du PIB aurait été tirée par les exportations et par l'investissement en construction, tandis que la consommation des ménages se serait repliée. En Italie aussi, la contribution des exportations nettes à la croissance a été positive, mais nous ne disposons pas d'informations sur les composantes de la demande intérieure.
Bien qu'on ne puisse pas en extrapoler l'évolution des composantes du PIB de la zone euro, l'accélération de la consommation des ménages en France et en Espagne est de bon augure. Elle était fortement attendue depuis que le revenu disponible réel des ménages se redresse sous l'effet d'une croissance soutenue des salaires et d'un net affaiblissement de l'inflation. La volonté de restaurer le pouvoir d'achat perdu et de reconstituer les encaisses réelles ainsi que la faiblesse de la confiance ont alimenté la hausse du taux d'épargne au deuxième semestre 2023, empêchant l'accélération de la consommation des ménages dans la zone euro.
Article publié le 3 mai 2024 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine