CitationPlus l'inflation approche la cible de 2% plus les risques d'une hausse augmentent, mais l'ampleur de ces risques haussiers baisse. Est-ce une raison pour la BCE de quitter sa posture de prudence ? Non, car si le risque d'une demande qui alimente l'inflation a disparu, le canal de transmission de l'inflation par les salaires est encore ouvert et le risque d'effets de second tour reste à surveiller. Si la BCE prévoit bien une décélération des salaires, elle attendra néanmoins que celle-ci soit bien inscrite dans les chiffres de la comptabilité nationale avant d'être rassurée.
L'indice harmonisé des prix à la consommation a de nouveau décéléré en novembre dans la zone euro. À 2,4% sur un an, après 2,9% en octobre, l'inflation a poursuivi sa baisse presque ininterrompue depuis un an. L'inflation sous-jacente, hors composantes volatiles, s'est aussi repliée de 4,2% en octobre à 3,6%.
L'atténuation de la hausse des prix concerne toutes les composantes, alimentaire (6,9% sur un an après 7,4%), services (4% après 4,6%), biens industriels hors énergie (2,9% après 3,5%) tandis que la composante énergie de l'indice affiche une baisse plus marquée (-11,5% après -11,2%).
Ce ralentissement des prix a été plus rapide qu'anticipé, à la fois par la BCE et par le consensus des prévisionnistes, et risque de modifier les anticipations vers une révision à la baisse. D'autant plus que la surprise à la baisse a concerné la majorité des économies de la zone euro. Les prix ralentissent en Allemagne (2,3%), en France (3,8%), en Espagne (3,2%) et approchent la déflation en Italie (0,7%). Déjà en déflation, la Belgique (-0,7%) connaît une moindre baisse des prix tandis que les Pays-Bas retrouvent une inflation positive, bien que modeste (1,4%).
Comme le montrent les épisodes successifs de baisse et de rebond des prix dans certains pays, les effets de base ont joué un rôle important dans le reflux récent de l'inflation, que l'on compare au pic du T4 2022, mais ils seront moins importants au cours des prochains trimestres. De plus, si le retrait de certaines mesures de modération des prix de l'énergie ou des services a déjà eu lieu, d'autres sont attendus notamment au T1 2023 (fin de la TVA réduite sur la restauration et sur le gaz et fin du plafonnement des prix de l'énergie en Allemagne) et exerceront une pression à la hausse sur les prix. De plus, bien qu'en ralentissement, la croissance des salaires reste soutenue et continuera de contribuer positivement à l'inflation, notamment des services. On attend donc une certaine inertie de l'inflation au cours de l'année prochaine.
Plus l'inflation approche la cible de 2% plus les risques d'une hausse augmentent, mais l'ampleur de ces risques haussiers baisse. Est-ce une raison pour la BCE de quitter sa posture de prudence ? Non, car si le risque d'une demande qui alimente l'inflation a disparu, le canal de transmission de l'inflation par les salaires est encore ouvert et le risque d'effets de second tour reste à surveiller. Si la BCE prévoit bien une décélération des salaires, elle attendra néanmoins que celle-ci soit bien inscrite dans les chiffres de la comptabilité nationale avant d'être rassurée. Cependant, elle sera disposée à opérer une première baisse des taux avant que l'inflation n'ait atteint sa cible. Elle sait en effet qu'il peut y avoir une déconnexion entre la baisse des taux et la poursuite de la transmission du resserrement monétaire, dont une partie sera encore dans les tuyaux lors des premières coupes. D'autant plus que le chemin vers le taux neutre est long et que le cadre de guidage par la donnée permet une certaine agilité dans la conduite de la politique monétaire. Et la BCE sait que si la date exacte de la reprise de l'activité dans la zone euro est ouverte, le risque que la stagnation s'auto-alimente est aussi présent. Les enquêtes de novembre nous confirment encore une activité en contraction et une confiance morose des agents privés. L'indice PMI signale un repli encore fort, bien qu'en atténuation, de l'activité dans l'industrie ainsi qu'un repli dans les services. La confiance se redresse très modestement auprès des consommateurs et dans la construction, mais reste stable à un très faible niveau dans l'industrie et dans le commerce de détail selon la Commission européenne. L'enquête sur l'investissement signale encore qu'une majorité d'entreprises prévoient une hausse de leurs dépenses en capital, mais leur part est en baisse par rapport à l'enquête conduite en avril. Les données sur le crédit d'octobre montrent que la transmission du resserrement monétaire est encore puissante avec une décélération de prêts aux ménages (0,6% sur un an) et une baisse plus accentuée de ceux aux entreprises non financières (-0,3% sur un an).
Article publié le 1er décembre 2023 dans notre hebdomadaire Monde – L'actualité de la semaine