L’Insee a publié jeudi 6 novembre l’estimation flash de l’emploi salarié du troisième trimestre 2025, qui couvre uniquement le champ privé (l’estimation détaillée, intégrant le secteur public, sera publiée le 28 novembre). L’emploi salarié du secteur privé diminue de 0,3% entre juin et septembre, après avoir augmenté de 0,2% au cours du trimestre précédent. Cela représente une destruction nette de 60 600 emplois (après la création nette de 43 400 emplois au deuxième trimestre). D’après l’institut statistique, cette diminution s’explique pour les deux tiers par la baisse des contrats en alternance (d’apprentissage ou de professionnalisation). Sur un an, la baisse de l’emploi salarié privé atteint ainsi 0,5% à la fin du troisième trimestre (soit -112 100 emplois).
CitationL’emploi total – tel que mesuré dans les comptes nationaux – devrait donc être relativement stable en moyenne au troisième trimestre, et une diminution ensuite au quatrième trimestre n’est pas claire, compte tenu du rebond du climat de l’emploi en octobre (à suivre). Nous conservons ainsi nos prévisions d’une hausse limitée du taux de chômage au second semestre 2025.
L’emploi intérimaire diminue légèrement au cours du troisième trimestre (-0,2%, après +0,2%), se situant nettement sous son niveau d’un an auparavant (-2,6%). Hors intérim, l’emploi salarié agricole recule de 1,6% (après +0,1% le trimestre précédent), inférieur de 2,3% à son niveau de septembre 2024. Dans l’industrie, l’emploi salarié privé (hors intérim) est en légère baisse entre juin et septembre (-0,1%, après -0,1%), et il diminue de 0,4% sur un an. Le repli de l’emploi dans la construction (hors intérim) se poursuit (-0,3%, après -0,3%), et ce pour le onzième trimestre consécutif, et la baisse sur un an atteint 1,6%. L’emploi salarié privé hors intérim diminue par ailleurs de 0,3% dans le tertiaire marchand (après +0,3% au cours du trimestre précédent) – soit la plus forte baisse trimestrielle dans ce secteur depuis le deuxième trimestre 2013, en excluant l’année 2020 –, ce qui porte le recul sur un an à -0,4%. Il est également en baisse dans le tertiaire non marchand au troisième trimestre (-0,3%, après +0,5%), où il reste toutefois supérieur de 0,2% à son niveau de septembre 2024.
La baisse de l’emploi salarié privé au cours du troisième trimestre n’est pas une grande surprise au regard du climat de l’emploi, qui a atteint son plus bas niveau depuis le premier trimestre 2021 au troisième trimestre 2025, à 95 en moyenne. Il a, en outre, diminué au cours du trimestre, passant de 96 en juillet à 93 en septembre. À ce stade, la légère embellie observée en octobre (à 96) vient toutefois modérer ce constat et offre des perspectives de stabilisation pour le quatrième trimestre.
Notre opinion
La légère baisse de l’emploi salarié privé contraste avec la forte progression de l’activité enregistrée au troisième trimestre (+0,5%). Dans le détail, cette diminution intervient après une hausse le trimestre précédent, et elle est largement liée à la baisse du recours à l’alternance, dans un contexte de réduction des aides publiques1 et alors que l’essentiel des embauches d’alternants a lieu en septembre.
Par ailleurs, l’emploi des comptes nationaux – qui ne sera connu que lors de la publication des résultats détaillés du troisième trimestre (le 28 novembre) – résulte d’une synthèse et d’une mise en cohérence de différentes sources, et pas seulement des estimations d’emploi présentées ici. En outre, les estimations d’emploi sont présentées en fin de trimestre, alors que l’emploi dans les comptes nationaux est exprimé en moyenne trimestrielle (ce qui est aussi le cas pour l’enquête Emploi qui constitue la base de référence pour le calcul du taux d’emploi et du taux de chômage).
Nous anticipons ainsi une moindre baisse de l’emploi salarié privé dans les comptes nationaux au troisième trimestre, voire une stagnation (la variation devrait, en effet, être comprise entre son évolution au cours du deuxième trimestre et celle au cours du troisième trimestre, telle que mesurée par les estimations d’emploi). Enfin, l’emploi public, qui n'est pas inclus dans cette estimation flash, représente plus de 22% de l’emploi salarié (et il est peu probable qu’il baisse aussi sensiblement), et l’emploi total comprend aussi l’emploi non salarié (plus de 11% de l’emploi total dans les comptes nationaux), qui a le vent en poupe. L’emploi total – tel que mesuré dans les comptes nationaux – devrait donc être relativement stable en moyenne au troisième trimestre, et une diminution ensuite au quatrième trimestre n’est pas claire, compte tenu du rebond du climat de l’emploi en octobre (à suivre). Nous conservons ainsi nos prévisions d’une hausse limitée du taux de chômage au second semestre 2025 (cf. notre scénario publié en octobre).
Cette relative stabilité de l’emploi et la forte progression de l’activité au troisième trimestre se traduiraient par de nouveaux gains de productivité, d’autant que le moindre recours à l’apprentissage aura tendance à réhausser les mesures de productivité apparente du travail2.
Article publié le 7 novembre 2025 dans notre hebdomadaire Monde – L’actualité de la semaine
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1 La prime à l’embauche d’un alternant a diminué depuis le 24 février (à 5 000 euros maximum pour les entreprises de moins de 250 salariés, et à 2 000 euros maximum pour celles de 250 salariés et plus, contre 6 000 euros maximum pour toutes les entreprises auparavant).
2 Cela ne constitue en rien un jugement sur l’efficacité économique à long terme d’un moindre recours à l’apprentissage, il s’agit bien d’un effet « mécanique » à l’instant T sur les mesures issues de la comptabilité nationale. Les alternants sont en effet considérés comme moins productifs, en moyenne, que les autres salariés, en raison notamment d’un nombre d’heures travaillées plus restreint (pour autant, par convention, ils sont considérés comme en emploi à temps complet). Leur présence peut par ailleurs générer un surcoût en termes de temps dévolu à leur encadrement pour les autres salariés. Voir à ce titre le focus de la Dares n°5 de janvier 2023 : Quel impact de la hausse de l'alternance depuis sur la productivité moyenne du travail ?, le Bulletin de la Banque de France n°251/1 de mars-avril 2024 Comment expliquer les pertes de productivité observées en France depuis la période pré-Covid ? | Banque de France, et l’article du blog de l’Insee du 19 juillet 2024 À la recherche des gains de productivité perdus depuis la crise sanitaire.